Le contrôle analogue conjoint doit être effectif

La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a apporté des précisions sur la notion de contrôle analogue conjoint, l’un des critères qui permet à des pouvoirs adjudicateurs de contracter avec un personne morale sans appliquer les obligations de publicité et de mise en concurrence (la quasi-régie codifiée à l’article L. 2511-1 du code de la commande publique).

Dans cet arrêt en date du 22 décembre 2022 (aff. C-383/21 et C-384/21), la CJUE, en réponse à une question préjudicielle, s’est penché sur la représentation des pouvoirs adjudicateurs au sein des organes décisionnels de la personne morale contrôlée conjointement.

Rappelons que le code de la commande publique (CCP), qui transpose fidèlement la directive 2014/24/UE et notamment son article 12 relatif au contrôle conjoint, fixe pour celui-ci, à l’article L. 2511-3, plusieurs conditions dont « 1° Le pouvoir adjudicateur exerce sur la personne morale concernée, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, y compris lorsqu’ils agissent en qualité d’entité adjudicatrice, un contrôle analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services ; ».
L’article suivant du CCP (L. 2511-4) définit le contrôle conjoint lui-même :
« Les pouvoirs adjudicateurs sont réputés exercer un contrôle conjoint sur une personne morale lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° Les organes décisionnels de la personne morale contrôlée sont composés de représentants de tous les pouvoirs adjudicateurs participants, une même personne pouvant représenter plusieurs pouvoirs adjudicateurs participants ou l’ensemble d’entre eux ;
2° Ces pouvoirs adjudicateurs sont en mesure d’exercer conjointement une influence décisive sur les objectifs stratégiques et les décisions importantes de la personne morale contrôlée ;
3° La personne morale contrôlée ne poursuit pas d’intérêts contraires à ceux des pouvoirs adjudicateurs qui la contrôlent. »

Dans le cas d’espèces soumis à la CJUE, s’agissant de deux communes, pouvoirs adjudicateurs, contractant librement avec une personne morale, un élu, siégeant au conseil d’administration (CA) de cette dernière, était également élu au sein des deux communes mais il ne représentait qu’une seule des deux communes au sein du CA, l’autre ne bénéficiant pas d’un représentant désigné en tant que tel.

Aussi, la CJUE en déduit (considérants 74 et 75) qu’ « il ressort des éléments fournis à la Cour que l’exigence […], tenant à ce que la participation d’un pouvoir adjudicateur exerçant un contrôle conjoint sur une personne morale au sein des organes décisionnels de celle-ci s’effectue par l’intermédiaire d’un membre agissant en qualité de représentant de ce pouvoir adjudicateur lui-même, ce membre pouvant, le cas échéant, représenter également d’autres pouvoirs adjudicateurs, n’apparaît pas être satisfaite dans les circonstances en cause… il y a lieu de répondre […] que l’article 12, paragraphe 3, second alinéa, sous i), de la directive 2014/24 doit être interprété en ce sens que, afin d’établir qu’un pouvoir adjudicateur exerce, conjointement avec d’autres pouvoirs adjudicateurs, un contrôle sur la personne morale adjudicataire analogue à celui qu’ils exercent sur leurs propres services, l’exigence visée à cette disposition, tenant à ce qu’un pouvoir adjudicateur soit représenté dans les organes décisionnels de la personne morale contrôlée, n’est pas satisfaite au seul motif que siège au conseil d’administration de cette personne morale le représentant d’un autre pouvoir adjudicateur qui fait également partie du conseil d’administration du premier pouvoir adjudicateur. ».

Dans cet affaire, la CJUE considère donc qu’il n’y a pas de contrôle analogue conjoint. Ce marché aurait donc dû donner lieu au respect des obligations de publicité et de mise en concurrence prévues par la Directive.

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