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Fiabilité retrouvée : l’opérateur économique doit coopérer avec l’acheteur !

12/03/2019

Fiabilité retrouvée : l’opérateur économique doit coopérer avec l’acheteur !

Dans un arrêt du 24 octobre 2018, la Cour européenne de justice de l’Union Européenne (CJUE) est intervenue, à la faveur d’une question préjudicielle posée par une chambre des marchés publics régionale allemande, pour préciser les modalités d’appréciation des dispositions prises par un opérateur économique pour prouver sa fiabilité retrouvée après avoir été sanctionné par un jugement définitif mentionné à l’article 57 de la directive 2014/24/UE.

L’article 57 précité prévoit une période d’exclusion temporaire des procédures de passation de marchés publics pour les opérateurs économiques s’étant livrés à des comportements qu’il liste. La période d’exclusion peut être réduite si l’opérateur démontre au pouvoir adjudicateur qu’il est parvenu à se réhabiliter. L’article prévoit notamment que, pour démontrer à nouveau sa fiabilité, l’opérateur économique doit prouver qu’il a « clarifié totalement les faits et circonstances en collaborant activement avec les autorités chargées de l’enquête ».

 

Lors de la transposition, le législateur allemand a prévu que « cette collaboration devait être apportée au pouvoir adjudicateur, en plus des autorités chargées de l’enquête ».

 

En 2016, un opérateur économique s’est vu exclure, par un pouvoir adjudicateur, d’une consultation relative à la fourniture d’éléments pour voies ferrées, au motif que l’office fédéral des ententes allemand lui avait infligé plus tôt dans l’année une amende pour avoir participé pendant plusieurs années à un cartel actif jusqu’au printemps 2011 et qu’il n’aurait pas pris des mesures suffisantes d’autoréhabilitation.

 

Cette entente ayant pu lui être préjudiciable, le pouvoir adjudicateur a engagé une action civile en réparation. S’appuyant sur la réglementation nationale, le pouvoir adjudicateur a demandé à l’opérateur économique qui a été reconnu responsable d’une infraction au droit de la concurrence qu’il fournisse la décision de l’autorité de la concurrence le concernant.

 

L’opérateur a refusé de transmette ces éléments, arguant du fait que sa collaboration avec l’autorité de la concurrence était suffisante et qu’il n’était pas tenu de collaborer avec le pouvoir adjudicateur. Ce que prévoit pourtant le droit national.

 

La question préjudicielle était de savoir si la réglementation européenne s’oppose à une disposition du droit national qui exige d’un opérateur économique souhaitant démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent qu’il clarifie totalement les faits et circonstances en lien avec l’infraction pénale ou la faute, en collaborant activement, non seulement avec l’autorité chargée de l’enquête, mais aussi avec le pouvoir adjudicateur, afin de lui apporter la preuve du rétablissement de sa fiabilité.

 

Dans un premier temps, la cour rappelle les règles relatives à l’exclusion de certains opérateurs en fonction de leurs agissements, ainsi que les moyens de preuve qu’ils peuvent apporter pour bénéficier d’un raccourcissement de la durée pendant laquelle ils se retrouvent exclus de la commande publique.

 

La cour souligne, ensuite, que les autorités chargées d’une enquête ont pour mission de déterminer la responsabilité des acteurs ayant commis une infraction à une règle de droit et de réprimer le comportement fautif passé de ces acteurs tandis que les pouvoirs adjudicateurs doivent apprécier « les risques qu’ils pourraient encourir en attribuant un marché à un soumissionnaire dont l’intégrité ou la fiabilité est douteuse ».

 

La cour note que, dans des situations comme celles de l’espèce, dans lesquelles il existe une procédure spécifique réglementée par le droit de l’Union ou par le droit national pour poursuivre certaines infractions et dans lesquelles des organismes particuliers sont chargés d’effectuer des enquêtes à cet égard, « le pouvoir adjudicateur doit, dans le cadre de l’appréciation des preuves fournies, s’appuyer en principe, sur le résultat d’une telle procédure ».

 

Selon la cour, lorsque les États-membres autorisent le pouvoir adjudicateur à effectuer les évaluations pertinentes, c’est à ce dernier qu’il revient d’apprécier non seulement s’il existe d’un motif d’exclusion d’un opérateur économique, mais également si, le cas échéant, cet opérateur économique a effectivement rétabli sa fiabilité. Les pouvoirs adjudicateurs peuvent donc, dans des circonstances déterminées, être conduits à procéder à des recherches et à des vérifications, notamment « par tout moyen approprié », comme l’indique l’article 57 de la directive.


Ainsi, dans la mesure où les fonctions respectives du pouvoir adjudicateur et des autorités chargées de l’enquête le requièrent, l’opérateur économique souhaitant démontrer sa fiabilité, malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent, doit coopérer de manière effective avec les entités auxquelles ont été confiées ces fonctions respectives, que ce soit le pouvoir adjudicateur ou l’autorité chargée de l’enquête.

 

Néanmoins, « cette collaboration avec le pouvoir adjudicateur doit se limiter aux mesures qui sont strictement nécessaires à la poursuite effective du but visé par l’examen de la fiabilité de l’opérateur économique ».

 

En l’espèce, la cour estime que « le soumissionnaire est notamment tenu de prouver qu’il a clarifié totalement les faits et les circonstances de l’entente à laquelle il a participé en collaborant activement avec l’autorité de la concurrence chargée d’enquêter sur de tels faits ».

 

Pour la cour, le pouvoir adjudicateur doit être en mesure de demander à un opérateur économique qui a été reconnu responsable d’une infraction au droit de la concurrence qu’il fournisse la décision de l’autorité de concurrence le concernant. La circonstance que la transmission d’un tel document pourrait faciliter la mise en œuvre d’une action en responsabilité civile par le pouvoir adjudicateur contre ledit opérateur économique n’est pas de nature à remettre en cause ce constat. En effet, il y a lieu de rappeler que, parmi les mesures que doit prendre un opérateur économique afin de démontrer sa fiabilité, figure la fourniture de la preuve qu’il a versé ou entrepris de verser une indemnité en réparation de tout préjudice causé par l’infraction pénale ou la faute qu’il a commise.

 

Ainsi, « le pouvoir adjudicateur peut exiger de cet opérateur économique qu’il fournisse des éléments de nature factuelle, permettant de démontrer que les mesures dont il se prévaut sont effectivement appropriées pour éviter que le comportement reproché ne se reproduise, compte tenu des circonstances particulières dans lesquelles lesdites infractions ont été commises ».

Pour répondre à la question préjudicielle, la CJUE affirme que « la circonstance que les éléments de preuve devant être fournis, à cet égard, par l’opérateur économique ont déjà été demandés par l’autorité de concurrence au cours de son enquête, ne justifie pas par elle-même que ce dernier soit dispensé de fournir ces éléments au pouvoir adjudicateur », sauf si les faits ou les circonstances, dont la preuve est ainsi sollicitée, découlent suffisamment clairement d’autres documents fournis par l’opérateur économique, notamment de la décision constatant l’infraction aux règles de la concurrence.

La CJUE juge donc en l’espèce que le droit de l’Union doit être interprété dans le sens « qu’il ne s’oppose pas à une disposition du droit national, qui exige d’un opérateur économique souhaitant démontrer sa fiabilité malgré l’existence d’un motif d’exclusion pertinent qu’il clarifie totalement les faits et circonstances en lien avec l’infraction pénale ou la faute commise, en collaborant activement non seulement avec l’autorité chargée de l’enquête, mais aussi avec le pouvoir adjudicateur, dans le cadre du rôle propre de ce dernier, afin de lui apporter la preuve du rétablissement de sa fiabilité, pour autant que cette coopération est limitée aux mesures strictement nécessaires à cet examen ».

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L'arrêt

 

La directive