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Une société du groupe
29/01/2019
Dans un arrêt rendu le 9 novembre 2018, le Conseil d’État apporte des précisions quant aux moyens invocables devant le juge dans le cadre d’un recours en contestation de validité du contrat.
Un acheteur public a conclu un marché de fourniture, sur 4 ans, de kits de dépistage immunologique du cancer colorectal et de gestion de la solution d’analyse de ces tests. Deux groupements d’entreprises, dont les offres respectives ont été rejetées comme irrégulières, ont formé un recours en contestation de validité du contrat. Le juge ayant rejeté leurs demandes, les candidats évincés ont fait appel.
La cour administrative d’appel de Paris (CAA) a, quant à elle, fait droit à leurs demandes et a annulé le marché public avec effet différé au 1er août 2018. Pour rendre sa décision, la CAA a considéré que le marché public était entaché d’un « vice du consentement » de nature à affecter la régularité du marché public.
En effet, en l’espèce, il s’avère que le titulaire du marché avait indiqué, par erreur, que la TVA n’était pas applicable pour les kits fournis. Or, en application de l’article 283 du code général des impôts, l’acheteur était redevable de la TVA. Pour la CAA, du fait de cette « ambiguïté », la personne publique s’est « méprise sur le coût total de l’offre pour elle » et a estimé « à tort qu’il ne dépassait pas le montant des crédits budgétaires alloués au marché ».
L’acheteur et le titulaire du marché se pourvoient alors en cassation.
Le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps, la possibilité pour tout tiers à un contrat administratif de former un recours en contestation de validité du contrat (CE Ass., n°358994, 4 avril 2014, Tarn-et-Garonne).
Le Conseil d’État rappelle que, saisi d’un tel recours, le juge administratif ne peut prononcer l’annulation totale ou partielle du contrat qu’en dernier recours, « si le contrat a un contenu illicite ou s’il se trouve affecté d’un vice du consentement ou de tout autre vice d’une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d’office » ; cette décision ne pouvant être prise qu’ « après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l’intérêt général ».
Sur l’existence d’un vice du consentement, le Conseil d’État juge qu’ « une erreur conduisant à une appréciation inexacte du coût d’un achat par le pouvoir adjudicateur n’est pas, en elle-même, constitutive d’un vice du consentement ». Ainsi, la CAA « a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis en retenant […] l’existence d’un vice du consentement de nature à affecter la validité du marché ».
S’agissant de l’absence d’atteinte excessive à l’intérêt général, la CAA avait estimé que, compte tenu de l’existence d’autres tests de dépistage aisément accessibles et de la circonstance que la campagne de prévention arrivait à son terme sans avoir obtenu les résultats escomptés, l’annulation du contrat ne pouvait être regardée comme portant une atteinte excessive à l’intérêt général.
Ce raisonnement est censuré par le juge de cassation « compte tenu de l’enjeu majeur de santé publique que représente le dépistage du cancer colorectal, qui est l’un des cancers les plus meurtriers en France, à l’objet du marché litigieux, qui s’inscrit dans le cadre d’un vaste programme de santé publique, et aux conséquences de l’interruption du service sur l’efficacité du programme de dépistage ».
Enfin, réglant l’affaire au fond, le Conseil d’État apporte d’utiles précisions quant aux moyens invocables devant le juge saisi d’un recours en contestation de validité du contrat. En l’espèce, les requérants ont fait valoir que, compte tenu de l’erreur relative à l’application de la TVA et au dépassement des crédits budgétaires alloués qui en résulte, l’offre de la société titulaire du marché aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable.
Dans ce contexte, le Conseil d’État a rappelé qu’un concurrent évincé ne peut invoquer que deux types de moyens :
- - Des manquements aux règles applicables à la passation du contrat qui sont en « rapport direct » avec l’éviction du requérant ;
- - Le fait que le contrat soit entaché d’un vice d’ordre public (« contenu du contrat [ ...] illicite »).
Au titre des manquements appartenant à la première catégorie, le Conseil d’État précise que « le concurrent évincé peut contester la décision par laquelle son offre a été écartée comme irrégulière ». En revanche, un candidat dont l’offre a été à bon droit écartée comme irrégulière ou inacceptable « ne saurait soulever un moyen critiquant l’appréciation des autres offres ». En effet, il ne saurait soutenir que ces offres auraient dû être écartées comme irrégulières ou inacceptables, « un tel manquement n’étant pas en rapport direct avec son éviction et n’étant pas, en lui-même, de ceux que le juge devrait relever d’office ».
Le Conseil d’État précise qu’il en va ainsi, y compris dans l’hypothèse où, comme en l’espèce, « toutes les offres ont été écartées comme irrégulières ou inacceptables, sauf celle de l’attributaire, et qu’il est soutenu que celle-ci aurait dû être écartée comme irrégulière ou inacceptable ».
Au titre des manquements relavant de la seconde catégorie, le Conseil d’État précise que le contenu d’un contrat ne présente un « caractère illicite que si l’objet même du contrat, tel qu’il a été formulé par la personne publique contractante pour lancer la procédure de passation du contrat ou tel qu’il résulte des stipulations convenues entre les parties qui doivent être regardées comme le définissant, est, en lui-même, contraire à la loi, de sorte qu’en s’engageant pour un tel objet le cocontractant de la personne publique la méconnaît nécessairement ».
En l’espèce, le Conseil d’État juge qu’ « à les supposer établis », les vices soulevés par les requérants (l’erreur relative à l’application de la TVA et le dépassement des crédits budgétaires alloués) « ne sauraient en tout état de cause caractériser un contenu du contrat illicite ».
L’arrêt de la CAA est donc annulé en tant qu’il prononce l’annulation du marché public litigieux.
Citia
Conseil en achat public